Face à la crise des marchés financiers, Claude Bébéar, le fondateur d'Axa, ou Aldo Cardoso, d'Andersen, réclament un renforcement de la corporate governance (gouvernement d'entreprise), c'est-à-dire plus de contrôle des patrons, des analystes, des auditeurs... Pas Frédéric Lordon. Auteur de Et la vertu sauvera le monde... (1), cet économiste hétérodoxe, chargé de recherches au CNRS, estime que ces mesures sont loin d'être suffisantes pour empêcher le déclenchement d'une nouvelle crise. Et qu'elles sont surtout destinées à nous détourner du véritable débat sur les effets délétères de la déréglementation financière.
Quel regard portez-vous sur les discours de capitalistes demandant qu'on contrôle plus les marchés financiers ?
On pourrait être tenté de rire de voir ainsi les gens brûler ce qu'ils ont adoré et d'assister à des révisions doctrinales formidables. Michael Jensen, le théoricien de l'efficience des marchés, trouve maintenant déraisonnable de confier l'allocation du capital au marché. Claude Bébéar, qui a été l'un des promoteurs du capitalisme actionnarial en France, dit tout le mal qu'il pense de la finance. Mais ce serait un rire jaune. Les économistes hétérodoxes qui, de longue date avertissaient des risques de la finance, étaient proprement inaudibles pendant la bulle.
Ensuite, le débat ne va pas au bout de sa logique. Les tenants de la corporate governance expliquent que la crise historique que nous connaissons est imputable à des individus qui se seraient mal condu