L'histoire du désastre commence le 22 juin 1998. Le jour où les deux actionnaires d'Alsthom, le britannique GEC et le français Alcatel, décident de mettre en Bourse 52 % du capital de leur filiale. Pour fêter cette émancipation, Alsthom perd son «h», et se rebaptise Alstom. Juste avant d'abandonner le contrôle, les deux actionnaires siphonnent, en douce, 1,2 milliard d'euros dans les caisses du groupe, sous forme de dividendes exceptionnels. Sous-capitalisé, Alstom, le mal-né, ne s'en remettra pas. Cotée à 31 euros le jour de son introduction, l'action du groupe va plonger immédiatement de 50 %, avant de retrouver péniblement son niveau d'introduction en 1999. Pourtant, sans attendre, l'entreprise va se lancer, dans une course folle à la croissance externe. Une fuite en avant qui se solde par un naufrage.
Terrain miné. Sûrement euphorisé par cette toute nouvelle indépendance, Pierre Bilger, énarque, réussit, très vite, à convaincre le géant helvético- suédois, ABB, de créer ensemble le leader mondial des centrales électriques (à gaz, vapeur, etc.) A l'époque, le marché applaudit l'opportunisme et l'audace de Bilger. Un an plus tard, le patron d'Alstom décide de racheter la part de ABB pour 1,25 milliard d'euros, tout excité à l'idée d'être resté seul maître de son jardin. Mais son champ est en fait truffé de mines.
Dès le mois d'août, première alerte. L'action perd 15 % en une seule journée. Les investisseurs ont, tout d'un coup, des doutes sur l'activité turbines à gaz de l'e