Françoise, 57 ans, travaille dans la métallurgie en Saône-et-Loire. Chez elle.
«Je travaille dans mon salon. Sur une table de camping. Mon seul investissement, c'est le siège ergonomique. Pour ne pas me casser le dos. Car, pour le reste, je ne peux rien faire. Mon pouce gauche est meurtri et mon bras droit s'endort tout seul. Quand je suis au téléphone, parfois il tombe, laisse échapper le combiné sans que je ne puisse réagir. Je suis travailleuse à façon dans la métallurgie. Dans mon salon.
«Deux fois par semaine, je pars récupérer les pièces au dépôt, des petits harnais pour des métiers à tisser. J'enfile des ressorts dans un harpon. Je pince de la main gauche, je visse de la main droite. Cinq fois, parfois dix, car ça ne tient pas toujours. D'ici lundi, je dois faire mes 3 000 pièces, soit plus de 20 000 vissages. Payé en théorie le Smic. Beaucoup moins, en réalité, puisque les temps de montage sont sous-évalués.
«On est une centaine dans cette boîte, mais personne ne se connaît. On se croise lorsque l'on va chercher la marchandise. Chacun rentre chez soi avec son carton, le plus vite possible pour finir plus tôt. Quand on n'a pas choisi, c'est une vraie galère. Etre seule, devant sa radio, à répéter mille fois les mêmes gestes. Cette solitude me pèse. Surtout à la campagne où je suis éloignée de tout. J'aimerais bien avoir des horaires fixes. Rentrer à la maison et me dire c'est terminé. Là, j'ai l'impression d'être toujours au boulot. Avec le foutoir dans le salon. Je pars