Sylvie, 53 ans, est porteuse
de journaux à domicile
la nuit
«Je suis comme tous les porteurs. Arrivée là par hasard. Restée faute de mieux. Les gens imaginent que c'est un métier de jeunes, d'étudiants ou de gens peu qualifiés. Ils auraient un choc s'ils nous voyaient. Dans mon équipe, il y a un journaliste au chômage, un ex-architecte dont le cabinet a fait faillite, une secrétaire de direction, un ancien agent d'assurances... Tous ont la cinquantaine, comme moi la moyenne d'âge est de 42 ans. Tous sont surqualifiés. Mais n'arrivent pas à retrouver du travail dans leur branche. On est trop vieux pour le marché. Pour livrer des journaux la nuit, il faut savoir lire, compter et avoir le permis de conduire. J'ai une maîtrise de biologie et un Capes. Après mes études, j'ai enseigné en collège pendant cinq ans. Puis je me suis arrêtée pour élever mes trois enfants. A 48 ans, j'ai dû chercher du travail en urgence. Le salaire de mon mari ne suffisait plus, les enfants étaient grands et on ne touchait plus les allocations. C'était en cours d'année scolaire, impossible de réintégrer l'Education nationale. J'ai fait les petites annonces. Après plusieurs échecs (j'étais trop vieille pour les gardes d'enfants, ou pour les cours à domicile), je suis tombée sur ce job de porteur. Mettre des journaux dans des boîtes aux lettres de 3 h 30 à 7 h 30 du matin. Pas sorcier. Et ça me permettait d'être de retour à la maison pour réveiller mes enfants. Je me suis dit : "Allons-y pour quelques sem