Elisabeth Lulien, 37 ans, avait tout pour devenir PDG d'une grande entreprise. Major de l'Ecole normale supérieure, de l'agrégation de lettres, de Sciences-Po et de l'ENA, cette icône de «la femme qui réussit» apparaît régulièrement au début des années 90 dans les pages économiques des journaux. Nommée à l'Inspection générale des finances, puis appelée au cabinet d'Edouard Balladur en 1995, elle a préféré fonder son entreprise, spécialisée dans l'analyse économique du droit.
«J'ai passé quatre ans au sein de l'Inspection des finances. Assez rapidement, mes choix de carrière ont été jugés atypiques. Il est d'usage que le major devienne chargé de mission, un poste prestigieux. J'ai décliné l'offre : je préférais poursuivre sur le terrain, remplir des missions plus concrètes. Traditionnellement, le major intègre la direction du Trésor. J'ai refusé une nouvelle fois. Mon ambition, c'était de monter ma boîte. J'ai tourné le dos au cursus classique de l'Inspection des finances, qui mène assez rapidement vers des postes de dirigeants à Bercy ou à la tête de grandes entreprises privées. La plupart de mes collègues ont fait de belles carrières. Moi, j'ai décidé de préserver une grande liberté. Je peux m'occuper du plus important à mes yeux : ma famille. Je vais partir en Jordanie avec un club de réflexion auquel j'appartiens, je n'ai d'autorisation à demander à personne, je n'ai pas à compter mes jours de congé. Le prestige d'avoir un bureau à moquette molletonnée passe après. Le mana