Longtemps, Paris fut ouvrier. On y construisait, au pied de la tour Eiffel, des locomotives, des voitures Renault ou Citroën. Les bords du canal Saint-Martin étaient plantés de cheminées. Rue Beautreillis, en plein coeur du Marais, on assemblait des robinets Butagaz. En 1850, 40 % de la population parisienne est ouvrière. La suite est un exode. Progressivement, prolos et ateliers sont repoussés. Faubourgs, petite couronne, grande banlieue : toujours plus loin. Aujourd'hui, les noms des rues parisiennes sanctifient hommes politiques et familles aristos, les ateliers se comptent sur les doigts de la main, et les bars branchés relookés «bistrot» ne sont que pâles répliques des «mastroquets» d'autrefois. Paris ouvrier n'existe plus.
Alain Rustenholz, écrivain et journaliste, s'est lancé sur la piste des souvenirs, à la recherche du Paname prolo. Son travail d'enquête fouillé et minutieux a donné naissance à un très bel ouvrage, Paris ouvrier, en librairie le 25 septembre. Trois cents pages illustrées quartier par quartier, rue par rue, de l'emplacement des barricades de la Commune à celles de Mai 1968. Nostalgique sans trémolo, cette balade parisienne s'arrête dans tous les points d'ancrage de ce qui fut une véritable contre-société. Usines, sociétés d'entraide, résidences de militants, syndicats, sièges de parti, journaux, mais aussi bals populaires, goguettes (sociétés chantantes) et marchands de vin, où l'on se retrouve pour le «quand est-ce», abréviation de «quand est-ce que