Professeur à l'université de Paris-Sud (Orsay), spécialiste du développement et des rapports Nord-Sud, Serge Latouche a publié en mai Justice sans limites, le défi de l'éthique dans une économie mondialisée (Fayard). Il est un des théoriciens de la décroissance.
Comment comptez-vous convaincre de la nécessité de la décroissance ?
La canicule de l'été fera bien plus pour la décroissance que tous les colloques et les livres réunis. Car je crois beaucoup à la «pédagogie des catastrophes». Il y a quand même eu Tchernobyl, la vache folle, l'Erika... des catastrophes engendrées par notre société de croissance. La décroissance n'est pas un idéal, c'est juste une nécessité absolue. Notre mode de consommation actuel, à nous Européens, nécessiterait deux à trois planètes si on continuait sur le même rythme. Celui des Américains équivaudrait à près de huit planètes ! Et tout cela ne tient que parce que les pays du Sud se contentent d'un dixième de la planète ! On est donc au bout du rouleau. Dans notre société de croissance, le moindre ralentissement est une catastrophe : le chômage augmente, il n'y a plus d'argent pour la culture ou l'environnement... Hannah Arendt disait qu'il n'y a rien de pire qu'une société du travail sans travail. Pour moi, il n'y a rien de pire qu'une société de croissance sans croissance !
Que suggérez-vous ?
Vivre mieux avec moins. La croissance entraîne d'énormes coûts indirects : accroissement des transports, de la pollution, du stress et donc de la consommation