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«Ici, il n'y a aucune forme de reconnaissance»

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Déléguée syndicale dans une ONG médicale, Elise raconte la quasi-«absurdité» à revendiquer dans le monde de l'humanitaire.
publié le 6 octobre 2003 à 1h15

«Le chirurgien a débarqué dans mon bureau à 20 heures. Quand il a vu que je tirais la tête, il m'a regardée, étonné, puis m'a reproché mon manque d'engagement. Alors j'ai craqué : je lui ai expliqué qu'en quittant le privé pour venir travailler ici, j'avais divisé mon salaire par quatre. Que j'étais là depuis 9 heures le matin, et que lui déboulait comme une fleur dans mon bureau à la fermeture. Cet accrochage en dit long sur les relations dans les associations, entre les salariés et les dirigeants bénévoles, des médecins omniscients qui ont un avis sur tout. Chez nous, la reconnaissance ne passe pas par le salaire. Cela peut se comprendre. Ce qui est grave, c'est qu'elle n'existe pas non plus, sous aucune autre forme, au sein de l'organisation. La reconnaissance est externe : les amis, la famille, pour qui l'humanitaire conserve une aura particulière.

Dans ces conditions, l'action syndicale est très limitée, presque absurde. On ne peut pas dire que le patron soit un affreux capitaliste. On n'ose pas revendiquer face à un type qui sauve le monde. Pour les négociations salariales, par exemple, difficile de parler d'augmentation. Mon travail consiste juste à ne pas perdre trop de pouvoir d'achat.

Avec l'annonce d'un plan social, le climat s'est alourdi. Celui-ci prévoyait le départ de douze salariés. Le problème, c'est qu'il a été géré naïvement. Et sans courage. Le DRH a demandé dans chaque service qui souhaitait partir. Résultat : nous avons eu plus de demandes que de personne