Malaunay envoyée spéciale
Elle lit sur les lèvres davantage qu'elle n'entend, prononce avec difficulté et s'emmêle dans ses phrases à la moindre émotion. Sybille Caillard s'occupe du courrier chez Legrand Normandie, géant de l'équipement électrique. La jeune femme a bénéficié d'une formation sur une machine adaptée à ses capacités pour éditer des étiquettes, deux fois par semaine, en atelier. Le reste du temps, elle trie des lettres dans des bannettes, tape des feuilles de congé. C'est plus varié. «Mais c'est difficile, j'ai de grosses difficultés avec la précision des mains et avec le vocabulaire», dit-elle. Sybille souffre d'une infirmité
motrice cérébrale qui entrave la coordination de ses mouvements et son expression.
Avec 65 salariés handicapés sur un millier d'employés, le groupe Legrand Normandie à Malaunay (au nord de Rouen) est une exception. Environnée de campagne, avec sa brique rouge et ses cheminées d'usine, l'entreprise dépasse largement son obligation légale d'emplois réservés aux personnes handicapées (6 %). La majorité des entreprises préfèrent ne pas embaucher et payer des pénalités (lire page III). Sybille Caillard est arrivée au service ressources humaines en 1996, grâce à l'appui d'une ergonome. Après une scolarité en école spécialisée, la jeune femme, âgée de 32 ans, a réussi à décrocher un CAP comptabilité secrétariat. Elle ne travaille qu'à mi-temps, car elle se fatigue vite. Elle avoue aussi qu'elle souffre d'un certain isolement. «Les autres salariés n