Sociologue, Annie Thébaud-Mony est spécialiste de la santé au travail. Elle est directrice de recherche à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
Comment peut-on expliquer l'augmentation des arrêts maladie ?
Par l'émergence des cancers précoces. Dans le cadre d'une enquête que nous menons actuellement dans trois hôpitaux de Seine-Saint-Denis, près de 50 % des nouveaux cas de cancer recensés touchent des gens de moins de 60 ans. Beaucoup d'entre eux travaillent encore. Ces cancers précoces se traduisent par de nombreux arrêts maladie. De plus, nous sommes actuellement dans une période de croissance de l'incidence des cancers de l'amiante.
Il ne s'agit donc pas de «bobologie» ?
Si on avait une inflation des petits arrêts, on pourrait imaginer que les généralistes se laissent apitoyer. Or, l'arrêt pour «souffler» est rare. Même dans la fonction publique, les salariés ont peur de se faire arrêter. Dans les emplois précaires, intermittents, les gens savent qu'un arrêt de longue durée se solde par un licenciement. Cancers, accidents du travail graves, lombalgies chroniques, lésions périarticulaires, dépressions : voilà ce qui entraîne des arrêts maladie. Je ne vois donc pas dans cette augmentation un laxisme de la part de médecins qui signeraient des arrêts de convenance, mais bien un indicateur d'alarme sanitaire.
C'est-à-dire ?
Depuis les années 90, des enquêtes officielles, nationales et européennes, mon