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Libération

Le porte-cartes joue l'Arlésienne

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publié le 22 décembre 2003 à 2h26

Conseil de prud'hommes de Paris, audience des référés.

Ils sont bâtis à l'identique. Grands, les épaules larges, le visage carré. A gauche, le patron, Serge V., avocat à la tête d'un cabinet parisien. A droite, son ancien stagiaire, Bruno W. Leurs regards s'évitent. Le patron a demandé à une consoeur d'assurer sa défense. Elle se tient au milieu, l'air exaspéré. Le stagiaire parle en son nom propre. Il prend un ton sérieux, le menton rentré. «Je ne suis pas venu dénoncer le secret de polichinelle qui consiste, pour les cabinets d'avocats, à exploiter une main-d'oeuvre bon marché sous prétexte de contrats de stages. L'affaire portée devant vous est bien plus grave. D'après moi, il s'agit de travail au noir.» Il marque une pause, l'avocate soupire. «J'ai été embauché de mai à septembre en contrat de stage, reprend Bruno W. Voyant venir la fin, nous avons convenu verbalement de continuer nos rapports en CDI, pour 1 500 euros bruts par mois. Aussi quelle n'est pas ma surprise quand, fin octobre, je n'ai que 304 euros.» Il réclame le paiement de la différence. Le président l'interrompt. «Vous avez un bulletin de salaire ?» ­ «Non, la somme m'a été versée en liquide.» L'avocate s'étrangle. «Non, mais vous avez déjà vu un avocat qui donne du liquide ?» Le président sourit : «Euh, allons au fond de la salle, nous verrons.» Elle poursuit, insensible au trait d'humour. «Pourquoi vouliez-vous qu'on l'emploie ? Il ne savait rien faire, il regardait.» Bruno W. relève la tête. «En guise d'