Sur son écran, un cyber-PDG particulièrement retors pourrait, grâce à la géolocalisation par GPS, surveiller son commercial en route pour Avignon puis s'amuser à lire, en temps réel, le mail que sa DRH envoie à une amie. Avant de découvrir, grâce aux badges à infrarouge portés par ses employés, que la comptable du second s'éternise dans le bureau de son collègue du quatrième. «Big Brother à côté, c'est la Bibliothèque rose», explique le professeur de droit Jean-Emmanuel Ray (1). La progressive introduction de la surveillance virtuelle dans l'entreprise est une révolution : «Le vieux contremaître, en chair et en os, pouvait tourner le dos, oublier ou négocier ses oublis. La traçabilité, elle, est inhérente au système informatique, poursuit le juriste. Avec les nouvelles technologies, c'est nous qui, sans le savoir, constituons notre propre dossier.» Un bouleversement que résume le professeur de droit Gérard Lyon-Caen : «Avant, il y avait les ordres du contremaître, désormais, il y a l'ordre informatique.»
Pourquoi la cybersurveillance se développe-t-elle ?
L'offre crée la demande. Les avancées technologiques donnent des idées aux entreprises désarçonnées face à leurs «travailleurs du savoir» de plus en plus mobiles. «On adapte une vieille préoccupation "Qui fait quoi ? Qui est où ?" à un monde du travail qui a changé, estime Hubert Bouchet, vice-président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). On veut surveiller, mesurer un travail intellectuel