Mounir est ouvrier sur des chantiers de travaux publics depuis près de douze ans.
«Depuis deux mois, je travaille en plein coeur de Paris : nous construisons des couloirs de bus et aménageons des rues assez passantes. Je ne suis pas habitué à cet environnement urbain. D'habitude, les chantiers de travaux publics sont en pleine nature (autoroutes, ponts...) ou bien protégés du public. Là, nous travaillons sous le regard des gens. Certains jours, j'ai l'impression que nous sommes l'attraction avec nos machines, nos outils et nos tenues d'ouvriers. On dirait que les Parisiens ont perdu l'habitude de voir des gens faire un travail physique. Parfois, on nous demande si ce n'est pas trop dur d'être derrière une benne de goudron chaud, ou comment on fait pour ne pas devenir sourds dans le boucan des machines. Ça, c'est gentil. Mais nous nous faisons aussi régulièrement engueuler. Il y a quinze jours, une femme m'a reproché de faire du bruit avec mon marteau-piqueur. Ça l'empêchait d'entendre correctement son téléphone portable. D'autres s'amusent à commenter ce que nous faisons. Le pire est de travailler devant les bistrots. Dès qu'on se repose sur sa pelle, les commentaires fusent, comme si nous étions des feignants.
Le plus dangereux en ville, ce sont les accidents. A Paris, les voitures ne respectent pas les panneaux signalant les travaux. Les gens en ont tellement marre des embouteillages qu'ils sont prêts à vous rouler dessus, ou à vous casser la gueule si vous leur expliquez qu