Zazieki (Pologne), envoyée spéciale.
Tant que Tassilo Schlicht pointait au chômage du côté allemand de la rivière Neisse, personne ne s'intéressait à son cas. Mais depuis qu'il a trouvé un travail du côté polonais, le loser de l'ex-RDA est devenu une célébrité locale. Tassilo Schlicht est l'un des premiers immigrés allemands en Pologne. Depuis six mois, il travaille à la station d'essence Apexim-AB de Zazieki, à cinq kilomètres du poste-frontière de Forst. On y arrive par une départementale cabossée. Dans des cahutes en bois, de jeunes Polonais vendent des cartouches de cigarettes pour 11 euros et des nains de jardin pour 7 euros. Sur la route de Jasien, plus au sud, des filles, frigorifiées, font étalage de leurs charmes. Au milieu d'un paysage de fermes délabrées et de panneaux rouillés, Apexim brille dans la nuit comme une bougie capitaliste.
Touristes de l'essence. Devant les dix pompes à essence d'un jaune éclatant, les voitures défilent sans interruption. Rien que des plaques allemandes. «Ce sont les touristes de l'essence, lance Tassilo Schlicht, regard d'enfant, visage marqué. Ils viennent même parfois de Cottbus (25 km), ou de plus loin encore.» A 86 cents le litre contre 1,06 euro en Allemagne, le calcul est vite fait. Dans sa caisse, Tassilo n'a que des euros. Les zlotys sont relégués dans un vague tiroir en bois. C'est déjà un peu l'Europe, ici. Sauf que le personnel polonais parle mal l'allemand. Le jour où Tassilo Schlicht, 46 ans, a appris qu'Apexim voulait recr