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Libération

Ghettos de femmes

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Téléopératrices, caissières ou vendeuses: dans ces métiers féminins, les conditions de travail difficiles exacerbent conflits et jalousies.
publié le 10 mai 2004 à 0h33

Un vaste plateau de travail aux couleurs passe-partout : au milieu, le chef trônant dans un bureau aquarium. Autour, vue panoramique sur 80 femmes qui, casque à l'oreille, répondent du matin au soir aux clients. «Un appel toutes les quatre secondes» raconte Morgane, téléopératrice, la trentaine, mère d'une fille de quelques mois. Téléopératrice : nouveau travail à la chaîne, disent les sociologues. Mal payé, pas reconnu. Métier féminin : les centres d'appel comptent souvent 80 % de femmes. Trente heures, payées 770 euros par mois, Morgane n'a aucune amie à son travail. Pas de relationnel, pas de solidarité. «Tout le travail est organisé pour que les employées se voient le moins possible, qu'on ne partage pas nos idées, explique-t-elle. Nous ne travaillons pas en équipe et nous n'avons pas le temps de parler entre nous.» Les plannings des employées changent toutes les semaines, de 6 à 22 heures, du lundi au samedi. Un casse-tête pour les mères de famille. «Problèmes d'absentéisme et de productivité, la direction a été contrainte d'aménager les horaires pour certaines d'entre nous, dont moi. Une quarantaine de femmes sur 300 bénéficient de cet avantage, dit Morgane. C'est peu, cela a créé des inégalités, et donc des jalousies. Des femmes ont râlé.»

Travailler dans un secteur ultraféminisé fait-il détester les femmes ? De sa première expérience professionnelle il y a trente ans, Françoise en garde un souvenir toujours aussi cuisant : «Jeune traductrice, je me suis retrouvée dans