Le délégué syndical est méfiant. «Puis-je prendre votre numéro pour vérifier que vous êtes bien journaliste ? Vous comprenez, Mme Bernardé, la patronne de Dalloyau, a déjà menacé des salariés qui avaient parlé à la presse...» Depuis quelques mois, la vénérable maison Dalloyau, connue pour ses soupes au potiron et ses macarons de luxe servis à la garden-party de l'Elysée, ressemble à un vaste Cluedo. Il n'y a ni meurtre ni colonel Moutarde, mais bien une atmosphère délétère digne des meilleures parties du jeu : intimidation, suspicion, peur de parler, le tout exacerbé par l'intervention d'un corbeau qui balance des informations compromettantes à la presse. A Libération, il s'est présenté sous le nom de M. Bertrand et a déversé les pires accusations sur la famille dirigeante. «Mme Bernardé brille dans les salons à travers sa marque, mais c'est une femme de pouvoir qui n'en accepte pas d'autre.» Renseignements pris au sein de l'entreprise, personne ne connaît M. Bertrand. L'homme semble pourtant bien informé. Comment démêler le vrai du faux ? Les syndicalistes ont peur de parler ou, quand ils le font, transmettent dans l'heure le contenu de la conversation à la patronne. Nadine Bernardé, elle, en appelle à son avocat, qui envoie une lettre intimidante à Libération pour prévenir toute «entreprise de déstabilisation».
Turn-over. Une chose est sûre, Dalloyau a connu il y a peu une grave crise de confiance. Les Bernardé l'avouent : «Il a fallu reprendre la maison en