La vente de ses haras marquera en quelque sorte la deuxième mort de Jean-Luc Lagardère. Le patron de Matra et Hachette était un amateur de chevaux avant même de devenir un industriel. Ce n'était pas un cavalier («Il ne sait même pas distinguer la tête de la queue», plaisantait sa première femme, Corinne, la mère d'Arnaud avec qui il avait acheté son premier haras), mais il adorait les courses, l'élevage et surtout la terre, celle qui produit des champions.
Il avait acheté son premier yearling à Deauville en 1966 et son premier haras, le Val-Henry (pour 100 000 francs de l'époque) en 1967. Mais c'est l'acquisition du haras d'Ouilly, en 1981, dans le Calvados, qui va véritablement faire décoller sa carrière d'éleveur. Ce domaine prestigieux appartenait à François Dupré, qui, pendant la guerre, détenait les hôtels Ritz, George-V et Plaza. La propriété s'étend alors sur 320 hectares et abrite 60 poulinières. Le 1er mai 1986, Jean-Luc Lagardère obtient même l'autorisation de changer ses couleurs, opération rarissime. Sa casaque devient grise à toque rose, les couleurs de François Dupré. Il est paré pour devenir le premier éleveur de France. Sa passion, que n'a jamais partagée son fils, lui a coûté des sommes astronomiques. Il affirmait y avoir investi environ 70 millions de francs en plus de vingt ans, un chiffre que les experts n'hésitaient pas à tripler. Mais il s'en moquait. «Si les Arabes se retiraient du jeu, je pourrais être le premier éleveur du monde !» se rengorgeait souv