Ahmed Saou, 58 ans, «bloqué ici» depuis 1998
«Je suis arrivé en France en 1971, pour travailler au noir d'abord. J'ai eu mon premier contrat OMI en 1977. Je suis resté vingt-deux ans avec mon patron. Je faisais l'arrosage du foin. Huit mois par an, de mars à décembre. Je travaillais tous les jours. L'eau, ça n'arrête pas. Ça a duré jusqu'en 1998, quand j'ai eu un accident de travail. Depuis, je suis bloqué ici. Tant que tu travailles et que t'es en bonne santé, c'est bon. Sinon, le patron te jette. Lui, il m'a donné du travail trop fort, j'ai coincé le dos, j'ai été opéré, et maintenant? J'ai une hernie discale, une cicatrice de 15 cm. La Cotorep (Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel) m'a reconnu invalide à 40 % mais la caisse agricole ne me donne que 3 %. Depuis 2002, je ne touche plus rien de la Sécu. Je vais aux Restos du coeur. J'ai attaqué mon patron aux prud'hommes. J'ai gagné le remboursement de ma prime OMI [5 148 euros] (1), ma prime d'ancienneté [1 627 euros], des dommages et intérêts [10 000 euros]. Le patron a fait appel.»
(1) Les employeurs paient une redevance à l'OMI pour chaque contrat. Souvent, ils la déduisent illégalement du salaire de l'employé.
Naïma Es Salah, 44 ans
«Le frère, le cousin... tout le monde est lié»
«J'ai passé mon premier contrat OMI quand j'étais à Fès, en 1990. Mon patron venait au Maroc, il se faisait inviter, choisissait ses ouvriers. On lui remettait les extraits de naissance, les photos. Il serrait les mains