Menu
Libération

L'ingénieure au plumeau

Article réservé aux abonnés
publié le 27 septembre 2004 à 2h18

Ewa, 45 ans, polonaise, travaille comme femme de ménage à Berlin. Elle fait la navette entre les deux pays.

«Chaque fois que je monte dans le train de Varsovie pour Berlin, j'ai un pincement au coeur. Chaque fois, je me dis que c'est le dernier voyage. Et pourtant, cela fait quatorze ans que cela dure. Au début, mon orgueil en a pris un coup. En Pologne, je suis ingénieure agronome, je suis quelqu'un. En Allemagne, je ne suis rien. Je suis femme de ménage. Au noir, évidemment : je n'ai pas de papiers. Dans le train, c'est rigolo, on retrouve les mêmes visages. On est une petite famille. Parfois, on se croise dans les rues de Berlin ou à l'église polonaise catholique. A la frontière, ils savent bien que l'on est des travailleurs illégaux. Mais tout le monde ferme les yeux. Ils savent qu'on ne peut pas faire autrement. En un mois, je parviens à gagner 1 600 euros, soit l'équivalent de quatre mois d'un salaire moyen en Pologne. Je travaille non-stop toute la semaine, du lundi au vendredi, de 8 heures à 19 ou 20 heures. Mes seules pauses sont les trajets de métro entre les différents appartements. Quand un client accepte que je nettoie le samedi ou le dimanche, je suis contente. C'est toujours cela en plus.

Au début, je ne venais que trois fois par an, juste pour donner un coup de main à des copines pour de gros travaux. Mon père avait de graves problèmes d'asthme et, à l'époque, on ne trouvait pas de médicaments en Pologne. Maintenant, il y a tout ce qu'il faut dans nos pharmacie