Casablanca, envoyée spéciale.
A 28 ans, Aïcha (1) gagne 12 000 dirhams par mois (1 200 euros). Sept fois le smic marocain pour diriger une soixantaine de téléopératrices. Elle vit chez ses parents, mais s'est offert une voiture, voyage, sort, s'achète des vêtements. Elle a les moyens d'attendre «le bon mari». «Avoir un salaire, ça donne du pouvoir à la maison», dit la jeune femme, habillée d'un chemisier aux transparences toutes occidentales. Les délocalisations oeuvreraient-elles pour l'indépendance des femmes marocaines ? «Avoir un salaire permet d'être moins dépendante d'un père, d'un frère ou d'un mari», précise Aïcha. De tenir un peu mieux sa place dans une société encore patriarcale. «La majorité des hommes demandent à leurs femmes d'arrêter de travailler, ça va poser des problèmes», dit Rajaa, jeune téléopératrice. Et cet employeur de pointer. «Certaines femmes gagnent plus que leurs maris. Il y a des problèmes dans les couples...»
Au Maroc comme en France, téléopératrice est un métier de femmes. Si les hommes tirent les ficelles du business dans les salons professionnels, sur les plateaux vite aménagés pour recevoir les bienfaits de la délocalisation, ce sont les femmes qui répondent au téléphone. «Elles sont bien plus fiables que les hommes, dit ce dirigeant français d'un centre d'appels marocain. Ils n'arrivent pas à l'heure ou ne viennent pas du tout.» Les femmes auraient aussi l'avantage de posséder une voix douce, jugée commercialement plus efficace. D'un plateau