Shenzhen (Chine) envoyé spécial
Cette jeune ouvrière venue de la campagne n'en revient toujours pas d'avoir eu l'audace de faire grève. C'était début octobre, dans l'usine de composants électroniques Computime, coentreprise entre capitaux hongkongais et privés locaux, dans la «zone économique spéciale» de Shenzhen, le «phare» du néocapitalisme chinois, dans le sud du pays : des tracts imprimés ont commencé à circuler, appelant à la grève pour obtenir une augmentation de salaire. «Je ne pensais pas que nous aurions le courage d'aller jusqu'au bout», confie à Libération cette jeune fille de 19 ans, qui restera anonyme pour sa propre sécurité.
Les 3 000 ouvrières ont pourtant trouvé ce courage, et, le 6 octobre, elles ont même bloqué l'une des plus grandes artères de la métropole pour faire connaître leurs revendications. Elles ont tenu bon pendant quatre heures, provoquant un embouteillage retentissant et forçant le gouvernement local à se poser en médiateur. Le résultat fut spectaculaire : en un jour et demi de grève, elles ont obtenu 170 % d'augmentation des salaires, du jamais vu dans un pays où les syndicats indépendants sont interdits et les luttes sociales considérées comme des menées subversives. «Je n'ai pas eu peur car tout le monde s'est retrouvé dans le mouvement. Je n'ai fait qu'apporter un peu de ma force, ce n'est pas grand-chose», explique cette fille de paysans pauvres de l'ouest du pays, arrivée à l'usine il y a moins d'un an. Etrangère à ce climat de lutte soci