François Brun, ingénieur, est chercheur au Centre d'études de l'emploi (CEE) et membre d'un collectif de sans-papiers.
Vous parlez de l'ambiguïté du terme «exclusion» à propos des sans-papiers...
Il suggère que les sans-papiers sont en dehors du système économique et social. Ils seraient un accident de parcours, comme une «bavure». Or les sans-papiers sont au contraire, d'une certaine manière, tout à fait intégrés au fonctionnement de la société. Ils y ont une place, un rôle. Il est important de ne pas cantonner la question à son aspect humanitaire.
Quel est ce rôle qu'ils occupent ?
Economique, essentiellement. Ce sont des contribuables : s'ils paient rarement des impôts sur le revenu ils ne gagnent pas assez , ils peuvent régler des taxes d'habitation, qui sont d'ailleurs reconnues comme des preuves pour leur régularisation. J'ai même vu des sans-papiers recevoir la prime pour l'emploi ! C'est toute la schizophrénie de l'administration française. Ils ont également, en théorie, des droits. Le code du travail assimile les étrangers dépourvus de titre de travail à des salariés régulièrement embauchés : l'employeur a les mêmes obligations à leur égard. Les syndicats peuvent ainsi intervenir aux prud'hommes en leur faveur.
Mais avant tout, les sans-papiers sont des producteurs de biens et de services : sur un peu plus de 200 sans-papiers interrogés dans le cadre d'une étude que nous avons menée en 2000, 85 % travaillaient (1). Disponibles, peu co