Varsovie correspondance
«Si je reviens juste avant les fêtes, est-ce qu'il y aura encore des carpes vivantes ?», s'inquiète un monsieur âgé, visiblement encore fortement imprégné par le souvenir des pénuries de l'époque communiste, quand il fallait patienter toute la nuit dans la file d'attente pour acheter les carpes du réveillon. Marek Debka, chef du rayon poissonnerie, le rassure : «La marchandise est commandée au téléphone trois fois par jour s'il le faut.» En deux heures à peine, les carpes arrivent des étangs d'un élevage situé à 70 kilomètres de Varsovie, pour finir par un plongeon dans l'un des deux bassins remplis d'eau installés au coeur de l'hypermarché pendant la période avant les fêtes.
Car les Polonais veulent leurs carpes vivantes. Chacun des bassins peut en contenir jusqu'à 800 kilos. Les carpes s'y débattent vigoureusement et claquent de leur queue, envoyant des douches froides sur les clients. Un dernier geste de désespoir avant d'arriver sur les tables, le 24 décembre au soir. Pour la Pologne, pays à 90 % catholique, le réveillon est, en effet, une institution sacrée assaisonnée à la carpe. On la mange en gelée, panée ou enrobée d'une sauce aux amandes et raisins, souvent sans un morceau de viande et sans graisse animale.
Pour ceux qui ne veulent pas devenir bourreau de leur propre carpe à la maison, un service d'abattage est disponible directement au rayon. «Ce sont les dames âgées, en général, qui y font appel. On abat la carpe d'un coup de marteau en caout