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La soie indienne a perdu de son étoffe

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Misère grandissante chez les tisserands de la région de Bénarès, qui ne peuvent concurrencer les tissus chinois.
publié le 28 décembre 2004 à 3h38

Bénarès envoyé spécial

«Quand je me lève le matin, je ne sais jamais si j'aurai de quoi nourrir ma famille avant la fin de la journée», se lamente Mohammed Bashir, tisserand dans la ville sacrée de Bénarès (Varanasi), dans le nord de l'Inde. «Je ne comprends pas ce qui se passe, mais, depuis deux ans, je n'ai plus de commandes», explique l'homme, squelettique, en désignant son métier à tisser replié dans un coin de la pièce. «J'ai dû retirer mes enfants de l'école, vendre les bijoux de ma femme et emprunter de l'argent pour survivre. Quand j'ai de la chance, j'arrive à me faire embaucher comme ouvrier journalier, payé au maximum 100 roupies la journée (moins de 2 euros, ndlr). Quand je trouve, on mange, sinon, on jeûne.»

Meilleure qualité. Ce drame quotidien, des milliers de tisserands le partagent dans la région de Bénarès, réputée pour la qualité de ses étoffes en soie, notamment les saris. Héritage de l'époque moghole, les saris banarasi sont considérés comme les plus raffinés du pays, une quasi-obligation pour les cadeaux de mariage. Selon les estimations, le secteur, totalement artisanal, emploie près de 600 000 personnes dans la région, dont 125 000 dans la seule ville de Bénarès. Depuis quelques années, cette industrie traverse une crise sans précédent. Selon l'Association des négociants en textile de Bénarès, les ventes ont chuté de 40 % en deux ans. Motif : la concurrence chinoise.

A l'inverse des pays riches qui ont pu se protéger avec les quotas, jusqu'à leur aboliti