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Libération
Interview

«On ne veut pas nommer le vrai pouvoir économique»

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publié le 30 décembre 2004 à 3h39

Presque centenaire, John Kenneth Galbraith accepte de répondre à nos questions par e-mail, avec l'entremise de son assistante. Un mois plus tard, nous recevons ses réponses rédigées dans un anglais presque littéraire, loin du jargon économique. Inquiet de l'envolée du budget militaire américain, l'économiste insiste sur la menace nucléaire, toujours présente selon lui.

Vous remarquez qu'on utilise le même mot «travail» pour définir des situations opposées : le cadre supérieur aisé qui aime ce qu'il fait et l'ouvrier mal payé pour qui c'est une contrainte. Est-ce que ce n'est pas revenir à la base de la théorie marxiste ?

Pas du tout. Déjà en oeuvre, cette tendance a été relevée par Marx, mais aussi par bien d'autres. Ces questions sont loin d'être seulement marxistes ; et personne ne devrait se priver d'une découverte ou d'une théorie par peur d'être considéré comme marxiste.

Vous soulignez que le mot «capitalisme» a été remplacé par «économie de marché», moins effrayant. L'évolution économique du XXe siècle ne justifie-t-elle pas un tel changement de terme ?

Le terme «économie de marché» est tout simplement fabriqué. Celui qui l'utilise ne veut pas nommer le vrai pouvoir économique. C'est particulièrement vrai lorsque la production de biens et de services est sujette à des prix contrôlés [par les entreprises], à la publicité, aux méthodes de distribution. La référence à une économie de marché permet de masquer ce contrôle. Ne pas s'exprimer avec exactitude revient à cacher la r