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Libération

A Arques, le cristal n'est plus éternel

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publié le 5 janvier 2005 à 23h24

«Du temps de monsieur Durand, ça ne serait pas arrivé.» Voilà ce qu'on entend au pied des fours de verre bouillant, à Arc International. La cristallerie d'Arques supprime des emplois. Du jamais vu, jamais imaginé. Arc, c'est encore 12 000 salariés. Plus de gens dans l'usine que d'habitants dans la ville (9 000). Elle a embauché, dit la légende, une personne par jour, pendant trente ans. Mais c'est fini. Les pères ne verront pas leurs fils entrer à la cristallerie. Alors la vieille dévotion des salariés pour Jacques Durand, le patron paternaliste qui les a gouvernés de 1927 à sa mort, en 1997, se réveille. Au pied des fours, c'est toujours la même fébrilité. Dans le «pshiiii, pshiiii» de l'air comprimé qui souffle le verre, les machines tournent comme des manèges de fête foraine, sans arrêt. Les moules écrasent les gouttes orange de verre fondu qui deviennent cloches à fromage, flûtes à champagne, verres à pied. L'usine bruisse de milliers d'êtres humains. Emouvante, dans une région où on ne voit que des sites qui ferment. Mais le coeur n'y est pas. Ça sent la fin d'un monde.

«Près des marchés». Que s'est-il passé ? Géant pourtant mondial, Arc se cogne à la concurrence asiatique et turque. En plus du déclin des arts de la table et de la baisse du dollar. Alors l'entreprise réduit la voilure en France : 2 659 emplois en moins entre 2006 et 2008. Le tout emballé dans un «accord de méthode» signé par tous les syndicats ­ sauf la CGT et FO ­ qui prévoit des préretraites dès 55 ans