Menu
Libération

Et Gillette sépara la lame du manche

Article réservé aux abonnés
Le modèle du groupe américain ­ brader l'unité de base et se rattraper sur les fournitures ­ est devenu un classique du marketing.
publié le 29 janvier 2005 à 0h12

Si le nom de Procter & Gamble évoque avant tout la lessive avec Ariel ou Bonux, c'est un autre de ses produits qui symbolise le mieux sa proximité avec Gillette : Swiffer, ce balai rechargeable en lingettes imbibées pour nettoyer les sols. Le balai lui-même est vendu à un prix raisonnable ­ une douzaine d'euros, avec quelques recharges. Et les lingettes, autour de 40 centimes d'euro la pièce, ce qui propulse le coup de frais du carrelage à des sommes astronomiques par rapport au vieux couple serpillière-liquide pour le sol. Une pompe à pognon qui rappelle immanquablement les rasoirs vendus par... Gillette : Sensor ou Vénus, où le manche est bradé et les lames facturées au prix fort.

Fulgurant. En croquant Gillette, Procter s'offre ainsi l'inventeur de ce modèle marketing désormais omniprésent, souvent baptisé «rasoir et lames». Une idée féconde qui remonte aux origines de la firme, au début du XXe siècle : si King Camp Gillette a bien perfectionné les modèles de rasoir de sécurité, c'est avant tout sur la séparation d'un manche bradé et de lames plus coûteuses qu'il bâtira son succès, fulgurant dès les débuts de la Gillette Safety Razor Company. «Le modèle est excellent pour les firmes et très mauvais pour les consommateurs, estime Christophe Bénavent, professeur de marketing à l'université de Pau. Cela crée une sorte de dépendance, permet de fixer une base de consommateurs relativement stable, et l'entreprise peut en tirer les fruits et vendre les lames à des prix plus élevé