Depuis 2000, l'artiste Julien Prévieux, 30 ans, répond sans relâche aux offres d'emploi parues dans la presse ou proposées par l'ANPE. Avec beaucoup d'application, il décline l'une après l'autre les offres, expliquant aux entreprises que l'emploi proposé... ne l'intéresse pas. Faisant comme si ces annonces lui étaient personnellement adressées, il expose avec véhémence les raisons de son absence de motivation : rémunération indécente, mauvaise réputation de la boîte, poste trop éloigné, slogan inepte ou mise en page foireuse de l'annonce. Chaque lettre est prétexte à un exercice de style différent, l'artiste endossant une multitude de rôles (de l'illettré à l'érudit, du paranoïaque au surbooké, du Bartleby au pilote de ligne préférant «la voltige à haut risque aux métiers pantouflards») pour multiplier les arguments de son refus, révélant dans une veine tragi-comique l'absurdité de ce rituel. «J'ai été confronté comme tout le monde à l'exercice fastidieux de la lettre de motivation, c'est le premier pas dans le monde du travail, le premier contact avec le discours de l'entreprise, là où toutes les règles commencent à être énoncées. Ecrire une lettre de motivation, c'est complètement schizophrène, on est obligé de s'oublier, de réfléchir à l'idée que l'entreprise a de son futur salarié et se réinventer en ces termes-là, analyse l'artiste. Je voulais tenter de renverser le rapport de force de cet exercice kafkaïen. Etre le grain de sable dans cette machine bien huilée. Jouer l
Lettres de «non-motivation»
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par Marie Lechner
publié le 31 janvier 2005 à 0h14
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