Est-il utopique d'imaginer qu'en 2015 les ventres creux de la planète ne seront plus «que» 400 millions ? Pas un seul gouvernement, pas une seule ONG ne serait prête à le penser. Pire, tous l'admettent : la réalité de la faim semble dramatiquement immuable. Autrement dit, les pays riches sont loin des objectifs qu'ils s'étaient fixés en novembre 1996. A l'époque, sous l'égide de la FAO (Food and Agriculture Organization, l'agence de l'ONU chargée des questions d'alimentation), les pays développés s'étaient engagés à réduire de moitié le nombre des mal-nourris à l'horizon 2015. Moins de dix ans plus tard, l'échéance est repoussée à l'occasion de chaque nouveau rapport.
Sans surprise, celui présenté hier à Rome par les experts de la FAO ne fait pas exception. A ceci près qu'il introduit de nouvelles sources de préoccupation pour les naufragés de la faim. Il montre comment les règles du «jeu» des marchés internationaux des produits agricoles de base défavorisent les 2,5 milliards d'habitants du monde en développement qui tirent leurs moyens d'existence de l'agriculture. Comment les cours de nombreuses matières premières agricoles, qui font vivre des centaines de millions de paysans au Sud, ne cessent de se déprécier. Et comment la machine trop bien huilée des multinationales de l'agroalimentaire, au Nord, contrôle presque tout, du producteur au consommateur... Petit tour d'horizon d'un système socio-économique mondial des produits agricoles qui menace la sécurité alimentaire de