Philippe Askenazy est économiste et chercheur au CNRS. Auteur de l'ouvrage Désordres du travail, enquête sur le nouveau productivisme (Seuil, 2004), il dresse un tableau très sombre des conditions de travail en France.
Les métiers pénibles ou dangereux sont-ils en voie de disparition en France ?
La tertiarisation de l'économie donne une vision biaisée de la réalité. L'industrie telle qu'on la voit dans les Temps modernes disparaît petit à petit. Mais les situations de travail intellectuel contiennent de plus en plus souvent des éléments de pénibilité physique. Par ailleurs, de nouveaux types de contraintes apparaissent, comme l'impératif de l'urgence. Ensuite, porter des charges n'est plus réservé à l'industrie ou au bâtiment. C'est l'exemple des caissières, qui, en plus d'avoir la contrainte d'assurer les relations avec les clients, ont un travail à la chaîne et soulèvent des tonnes de produits par jour.
Pourquoi les conditions de travail n'ont-elles jamais été un sujet mobilisateur ?
Le chômage de masse des années 80 a laissé ce sujet sur le côté. Les syndicats ont eu par ailleurs une position ambiguë sur le sujet. Préférant la réparation, par des primes pour quelqu'un qui occupait un emploi pénible, ou par des indemnisations pour les victimes de maladies professionnelles, plutôt que de défendre la prévention.
Le nombre des accidents du travail et des maladies professionnelles est effrayant...
Dans le secteur privé en France, la Sécurité sociale dénombre 45 000 cas d'incapacité