«Les actionnaires allemands ne veulent qu'une chose : s'emparer du pouvoir d'EADS.» C'est ainsi que parlait, il y a une dizaine de jours, un cadre français de la maison mère d'Airbus. Comme si le responsable de cette crise était uniquement à chercher du côté de Berlin. En réalité, le camp français paye aujourd'hui plusieurs mois d'erreurs stratégiques et politiques qui ont conduit tout droit au durcissement de la position allemande.
La fidélité obsessionnelle de Chirac
La fidélité infaillible de Jacques Chirac à Noël Forgeard, son conseiller à l'Industrie à Matignon en 1986, a été très mauvaise conseillère. L'Elysée a soutenu sans relâche et sans retenue les ambitions du patron d'Airbus pour renverser Philippe Camus à la coprésidence d'EADS. Non seulement Forgeard a voulu accélérer le calendrier (être nommé dès novembre 2004 alors que le mandat de Camus courait jusqu'en mai 2005), mais il a aussi vendu l'idée de prendre seul la tête d'EADS, groupe piloté, depuis sa création, par une direction franco-allemande. L'Elysée a laissé faire. «Les conseillers de Chirac n'ont qu'un mot à la bouche : Forgeard. On ne peut pas leur parler d'autre chose quand on évoque le dossier EADS. Ils font de sa nomination un préalable à tout», expliquait à Libération un haut fonctionnaire de Bercy, fin 2004, au moment où la bagarre entre Forgeard et le clan de Camus faisait rage. Cette campagne élyséenne a braqué les Allemands. Avant même l'officialisation de la nomination de Forgeard, Jurgen Schremp