Sociologue et psychologue, Nicole Aubert est l'auteure du Culte de l'urgence, la société malade du temps (1). Elle est professeure à l'Ecole supérieure de commerce de Paris.
Pourquoi les grands groupes ont-ils succombé au culte de la performance ?
Dans les années 90 s'est opérée une contagion du mode de fonctionnement des marchés financiers à celui des entreprises. Les exigences de rentabilité des premiers se sont étendues aux secondes. Au même moment s'est déroulée une mutation technologique qui a bouleversé notre rapport au temps. E-mail ou portable, les nouvelles technologies de communication ont engendré une culture d'hyperréactivité et d'urgence permanente. Aucun écart n'existe entre la demande et la réponse. Tout doit être fait dans l'instant. Cette logique d'immédiateté s'est étendue de proche en proche à l'ensemble des sphères de la société. Dans le domaine professionnel, elle a touché aussi bien l'industrie que le secteur des services ou la distribution.
Comment cela se traduit-il pour les salariés ?
Par ricochet, cette gestion en flux tendu s'est appliquée au personnel et s'est immiscée dans l'organisation du travail. On rentabilise au maximum les postes pour générer toujours plus de profit. On évite les temps morts dans la production ou dans les magasins en réquisitionnant le personnel aux périodes d'affluence. Auparavant, les employés pouvaient se poser un minimum entre deux tâches et prendre conscience du travail accompli. Aujourd'h