«Après vingt-deux ans d'Afrique, on est un peu perdu.» Jean soupire. «J'ai 58 ans, je ne peux pas attendre. Il faut absolument que je m'active. J'ai tout essayé, mais on n'est pas intéressant sur le marché français du travail.» Jean et sa femme, Sylvie, 51 ans, ont été évacués de Côte-d'Ivoire fin 2004 avec 8 000 autres Français, en pleine poussée de fièvre antihexagonale. Le 6 novembre, un avion ivoirien avait attaqué une base militaire française et tué neuf soldats de la force d'interposition Licorne, qui veille au cessez-le-feu entre partisans du président Laurent Gbagbo au Sud et rebelles au Nord. En représailles, Paris donne l'ordre le lendemain de détruire l'aviation ivoirienne. La chasse aux ressortissants français commence à Abidjan. Le collège Mermoz, prestigieux établissement franco-ivoirien où travaille Sylvie et où le couple est logé, part en fumée. Sept mois plus tard, ils sont toujours sur le carreau. Inscrits à l'Anpe sans aucun espoir d'être embauchés. Logés par la mairie de Perpignan, qui paie aussi les factures d'eau et d'électricité. Ils ont bénéficié d'une aide de l'Etat de 1 650 euros et Jean touche environ 900 euros d'allocation insertion, Sylvie est au RMI.
«Tout perdu». A Abidjan, Jean travaillait pour la municipalité avec un salaire ivoirien et il avait investi ses économies dans la recherche sur l'eau potable, espérant monter son entreprise dans ce secteur prometteur. «On préparait notre retraite, avec l'idée de rentrer en Europe en laissant une acti