Parler fait encore mal. De leur deux-pièces à Lille, la villa qu'ils ont quittée semble encore plus «paradisiaque». Pourtant, la Côte-d'Ivoire, «ce n'était pas le Pérou ces dernières années». La plantation de fleurs exotiques de Bernard, à la sortie d'Abidjan, avait périclité, il avait préféré partir à la retraite. Christiane gagnait sa vie depuis trente-cinq ans comme prof d'anglais au collège Mermoz, un des plus cotés des bords de la lagune. Employée en contrat local, elle touchait l'équivalent de 1 500 euros par mois. Mais, ne faisant pas partie de l'Education nationale française, elle n'a donc pas été recasée à son retour en France. Il va lui falloir trois ans de démarches pour récupérer ses cotisations à une caisse de retraite ivoirienne. Elle perçoit 300 euros d'allocation insertion.
Les rentrées du ménage ont été divisées par deux, hors aides exceptionnelles de l'Etat (environ 6 000 euros). Bernard se racle la gorge : «Avec 1 000 euros de retraite pour redémarrer, vous ne faites pas grand-chose.» Le couple a pensé reprendre un commerce, «un café-tabac ou une maison de la presse, mais on n'a pas suffisamment d'argent de côté et les banques ne veulent pas entendre parler de nous». Le gouvernement offre bien une aide de 10 % du montant de l'investissement, mais encore faut-il un apport de départ. Et puis il y a le moral qui n'est pas bon. Le souvenir encore prégnant de l'évacuation en hélicoptère de leur résidence, en plein fief de la jeunesse patriote fidèle à Laurent Gb