On ne se lasse pas de l'odyssée économico-politico-judiciaire des frères Saadé. Cela fait bientôt neuf ans que Jacques et Johnny s'écharpent à propos du contrôle de la CMA (Compagnie maritime d'affrètement), lauréate en 1996 de la privatisation de la CGM (Compagnie générale maritime) et candidate depuis deux mois au rachat de Delmas-Vieljeux, filiale maritime du groupe Bolloré. En quelques années, la CMA, premier français du secteur, s'est hissée au 5e rang mondial dans le transport maritime de containers, contredisant les plus sombres prédictions sur le déclin maritime français. Après un armistice, les incorrigibles frangins repartent aujourd'hui de plus belle.
Zizanie. Jacques et Johnny, issus d'une famille syrienne installée au Liban, ont longtemps fonctionné à 50-50, l'aîné basé à Marseille, le cadet à Beyrouth. Quand se profile la privatisation de la CGM, sous le gouvernement Juppé, s'instaure parallèlement la zizanie familiale. L'Etat français cède la CGM moribonde à la CMA pour la modique somme de 3 millions d'euros, après avoir été renflouée sur fonds publics à hauteur de 120 millions. La reprise est à mi-chemin entre le pari fou et le casse du siècle. Jacques propose alors à Johnny une nouvelle gouvernance familiale, 51-49 en sa faveur. «Scénario inacceptable», s'insurge le cadet par fax, qui souhaite le maintien de la parité. «La formule que tu proposes est inappropriée», rétorque sobrement l'aîné. S'ensuit diverses augmentations de capital du nouvel ensemble CMA-CG