C'était un jeudi après-midi, le 2 septembre 2004. Sylvie Trémouille, 40 ans, et Daniel Buffière, 47 ans, se rendent dans une exploitation agricole du village de Saussignac, en Dordogne. L'inspectrice du travail et le contrôleur de la Mutualité sociale agricole viennent vérifier les contrats de travail des salariés saisonniers qui travaillent pour Claude Duviau, un ancien militaire reconverti dans la production de prunes. Les deux fonctionnaires, qui discutaient avec des salariés de l'exploitation, ont été abattus par l'agriculteur alors qu'ils tentaient de s'enfuir. Un an après, la douleur demeure. Mais surtout, les inspecteurs et contrôleurs du travail ont l'impression que rien n'a changé pour eux. «On nous a annoncé une réforme de notre métier, des moyens, mais pour l'instant on ne voit rien venir, explique Bruno Labatut-Couairon, inspecteur du travail à Soissons et président de la CFTC-travail. Les agressions continuent.»
Jeune diplômé de l'Intefp, l'école lyonnaise qui forme les fonctionnaires, il a pris son premier poste début juillet. Deux jours après, une contrôleuse du travail de sa section est agressée par un employeur. Sortie manu militari du restaurant qu'elle était venue visiter. L'employeur est passé en comparution immédiate et la section attend la décision pour le 18 octobre. «De toute façon, la peine sera faible, poursuit Bruno Labatut-Couairon. En droit social, les sanctions sont toujours très faibles.» Et les poursuites, rares. Moins de 2 % des procès-verbaux