C'est un survivant. Joël, 43 ans, a appris sa séropositivité en 1992, à l'époque où personne ne prédisait d'avenir aux gens comme lui. «J'ai direct fait le deuil de ma vie, de mes amis, et de mon travail bien sûr.» Il ne dit rien à la banque qui l'emploie comme conseiller commercial. Il prétexte un mal de dos pour prendre son traitement quinze minutes avant les repas. Ses alibis n'empêchent pas pourtant les rumeurs : à plus de 30 ans, pas vilain garçon mais toujours célibataire...
Dans le coma. Joël se croit condamné, alors il se laisse aller. Un verre, puis un autre, puis quelques bouteilles. «J'ai payé "cash" mon envie d'en profiter.» En 1998, le sida se déclare. Joël passe quarante-cinq jours dans le coma et perd la parole, l'usage de ses jambes et de son bras gauche. Après neuf mois de rééducation et un sevrage alcoolique, il «revient» à la vie et pense pouvoir la gagner à nouveau. A la banque pourtant, on a pris connaissance de sa maladie : sa directrice a mené l'enquête en se faisant passer pour sa soeur auprès du personnel de l'hôpital.
En décembre 1999, il est reconnu comme travailleur handicapé mais revient à temps complet. Sa direction lui explique que, pour des raisons de compétitivité, il ne peut reprendre son ancien poste. «Je me suis retrouvé employé polyvalent, remplaçant au coup par coup mes collègues.» Un jour à la rotonde d'accueil, le lendemain au guichet. «J'ai passé un mois et demi sur une table de cuisine à faire du conseil téléphonique.» Il sent que les