Tachkent envoyée spéciale
«Les enfants ? Ils sont plus bas dans le champ, allez à travers champs, vous les trouverez.» Ce samedi matin, comme tous les jours de septembre, octobre et novembre, Yuldash et Kamil (1), deux instituteurs d'un village à 50 kilomètres à l'ouest de Tachkent, sont dans les champs avec leurs élèves âgés d'une dizaine d'années pour la récolte de coton. A perte de vue, ce ne sont que des flocons blancs et les petites têtes noires des enfants, étudiants et professeurs qui ramassent. Le directeur de l'école lui-même cueille à deux mains, en déclamant des slogans qui n'ont pas changé depuis l'époque soviétique : «Le coton, c'est l'or blanc de l'Ouzbékistan. Le coton, c'est notre richesse.» Marina, la prof de russe, cueille avec moins d'entrain, lassée par ces travaux forcés qui se répètent tous les ans depuis sa propre enfance : «L'été, nos enfants ont trois mois de vacances, puis trois mois de récolte de coton. Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour s'instruire.»
Sous le joug d'Islam Karimov, ancien communiste à la tête du pays depuis 1989, l'Ouzbékistan, deuxième exportateur mondial de coton, a conservé un système très soviétique d'exploitation, qui maintient ses paysans en quasi servage. A la coopérative Mirzo Oulougbek, anciennement «kolkhoze du XXIe congrès du Parti communiste», rebaptisée au nom d'un des nouveaux héros en vogue, petit-fils de Tamerlan, un directeur expose fièrement comment ses «brigades» remplissent bien le «plan» : «Nos paysans doiv