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Libération

La belle et la fête

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publié le 16 janvier 2006 à 20h04

Eugénia, 44 ans, est maquilleuse

depuis vingt ans.

«Un visage, ça a quelque chose de sacré. C'est très étrange, cette intimité subite lorsqu'on maquille quelqu'un... Comment arrive-t-on à en faire un métier ? J'ai réfléchi et j'ai retrouvé le fil. D'abord, il y a une lignée familiale : mon arrière-grand-mère modiste, ma grand-mère joaillière, un grand-père bijoutier. Sans que je m'en aperçoive, ils m'ont transmis ce goût pour la beauté. Je me souviens, j'adorais maquiller mes poupées... Mais c'est plus que cela. Petite, j'étais fascinée par les visages. Je ne regardais que ça. C'était une obsession. Ça a duré longtemps. Peut-être qu'en fait je rendais la pareille : moi aussi, enfant, on m'a beaucoup fixée. Je vivais en Algérie, je suis née dans une famille séfarade. Tous bruns aux yeux noirs. Et moi, j'arrivais au milieu, petit machin blond aux yeux bleus... Toute la famille se penchait sur mon berceau. Tout le monde disait que j'étais très jolie. Bien sûr, c'était flatteur. Mais pesant, à la fois.

«A 25 ans, j'ai rencontré le père de ma fille. Il était critique de cinéma. Je travaillais dans le tourisme. Son milieu est devenu le mien, et j'ai eu envie de l'approcher au plus près. Le maquillage a été mon ticket pour les coulisses, la synthèse de toutes mes envies. J'ai commencé comme maquilleuse de mode. Evidemment, c'était éblouissant. Toutes ces stars, ces mannequins, c'étaient des dieux. J'avais envie de voir s'ils étaient aussi beaux sur l'Olympe que l'image qu'ils renvoyai