Kofi Alouda n'oubliera jamais la réflexion de son ancien patron. Ingénieur informatique depuis sept ans dans une grosse PME, il s'entend dire un matin par le directeur : «Avec tout ce que tu gagnes, tu dois être le roi de ta communauté.» Sous-entendu : pour un Noir, ta rémunération est déjà suffisante. A 40 ans, Kofi Alouda, d'origine togolaise, aurait-il atteint le plafond de verre (1), ce phénomène invisible qui, sans discrimination clairement identifiable, bloque l'évolution des minorités ? «En comparant avec mes collègues, je me suis rendu compte que j'étais au même poste depuis des années, et ce malgré toute l'énergie que je mettais dans mon travail.» Kofi démissionne. Il s'apprête aujourd'hui à créer sa propre PME de consultants.
Devenir employeur plutôt que rester mal employé, le réflexe de la création d'entreprise ou du passage au statut d'indépendant par des salariés d'origine étrangère gagne du terrain. Dogad Dogoui, responsable d'Africagora, club d'entrepreneurs issus du continent africain, confirme la tendance : «Depuis deux ans, le phénomène s'accélère. De plus en plus de jeunes viennent nous voir pour monter leur propre structure. Pour 80 % d'entre eux, ce n'est pas par envie d'être patron mais par nécessité. Ils en ont marre d'attendre une insertion ou une progression qui ne vient pas.» Dans ce club d'élite des créateurs d'entreprise issus de l'immigration, les métiers sont aussi variés que l'expertise comptable, le conseil en droit, la prestation informatique