Pendant plusieurs semaines, Isabelle a habitué son patron à la voir venir avec un grand sac. «Les livres d'art, c'est gros. Il fallait pouvoir les emporter sans se faire remarquer.» Ancienne employée d'une librairie parisienne, elle a ainsi «sorti», chaque jour, jusqu'à 16 kg de livres du magasin. Parfois avec la complicité du coursier. «De toute façon, les bouquins étaient destinés au pilon. Ce n'était donc pas vraiment du vol, même si c'était interdit... Et puis mon boss est un gros c... raciste, le dépouiller me remplissait de joie.»
Du stylo que l'on amène chez soi jusqu'au vol pénalement répréhensible, la «fauche» au travail est un phénomène largement répandu. S'appuyant sur une étude réalisée au sein d'une grande entreprise de Suisse romande, Stéphanie Facchin, assistante de recherche en psychologie du travail à l'université de Neuchâtel, considère le «vol» sur le lieu de travail comme le symptôme d'un malaise organisationnel. Ce qu'elle qualifie de «comportement dysfonctionnel au travail» ne serait que la conséquence d'une «injustice ressentie par le salarié», une façon de rétablir «l'équilibre entre ce qu'il donne et ce qu'il reçoit de l'entreprise».
Caché. La rémunération, en effet, est souvent à l'origine du ressentiment. «Je pense que je ne suis pas payée à la hauteur de mes compétences», estime Annie, salarié d'une maison d'édition, qui ramène régulièrement des CD vierges, de la vaisselle de cantine, ou même du papier toilette. Didier, lui, y est allé un peu fort e