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Visa d'exploitation

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Lerra, 40 ans, a quitté Manille pour devenir employée de maison à Tel-Aviv.
par Martine HASSOUN
publié le 24 avril 2006 à 21h01

Tel-Aviv

«Sans doute n'aurais-je jamais quitté les Philippines si, en 2000, mon père et ma soeur n'étaient pas tous deux tombés malades. J'étais la seule célibataire de la famille, la seule à pouvoir tenter sa chance à l'étranger pour pouvoir payer les soins dont ils avaient besoin ; je suis donc partie. Pourquoi Israël ? Parce que je savais qu'il était facile d'y trouver un emploi de travailleuse familiale : 30 000 Philippines y exerçaient ce métier. Bien sûr, ce n'était pas ma spécialité. Moi, je dirigeais un commerce de riz.

«Fin 1999, j'ai vendu mon entreprise pour 2 400 dollars, et j'ai emprunté la même somme à la banque pour payer les intermédiaires susceptibles de me fournir un travail. Sitôt arrivée à Tel-Aviv, j'ai été envoyée chez une dame de 77 ans pour qui j'ai travaillé pendant près de six ans. J'étais attachée à elle puisque mon visa était lié à sa personne. Elle avait besoin de tout : qu'on lui fasse son ménage, ses courses, ses repas, qu'on la soigne. Sans parler un mot d'hébreu, je me suis donnée corps et âme pour 650 dollars par mois (100 dollars de moins que le salaire minimum légal), m'affairant du matin au soir dans ce village de Moshav Gan Hadarom, au sud de Tel-Aviv. Durant tout ce temps, je n'ai pas compté mes heures. Je travaillais même chez sa fille le vendredi, mon jour de congé. Durant six ans, je n'ai disposé d'aucun congé hebdomadaire, ni de vacances.

«Avais-je peur de me faire expulser si je me rebellais ? Je ne sais pas. Je parle anglais, je disp