Michel Hautefeuille (1), psychiatre, est praticien hospitalier au centre médical Marmottan, à Paris. Son approche est radicalement différente de celle de la sociologue Astrid Fontaine (lire ci-contre) : les salariés consommateurs de produits psychoactifs qu'il voit lors de ses consultations estiment avoir un problème.
Vous comparez la prise de produits psychoactifs par les salariés au dopage des sportifs. Pourquoi ?
Depuis 2000, j'ai vu arriver dans ma consultation des salariés me disant : «Je ne suis pas toxicomane, mais j'utilise des produits.» Ils pensaient maîtriser, et, un jour, ils se sont fait prendre, ou se sont rendu compte qu'ils ne maîtrisaient rien. Ils ont des profils très différents guichetiers de la Poste ou DRH , mais ils ont tous été poussés à prendre des médicaments, de l'alcool ou de la cocaïne par le culte de la performance du monde du travail. Pour tenir. Le climat de compétition dans lequel ils évoluent est redoutable : il ne s'agit plus seulement de la compétition avec le collègue qui veut le même poste ou avec l'entreprise concurrente. Désormais, la concurrence est aussi invisible : une entreprise qui gagne de l'argent peut licencier des salariés performants, elle peut délocaliser... En consultation, nous travaillons beaucoup sur ce stress, réel ou fantasmé.
Comment la consommation de ces travailleurs évolue-t-elle ?
Au début, un «passage à vide». Le médecin prescrit légitimement anxiolytiques ou antidépresseurs. La ma