Menu
Libération

«La stratégie du vide»

Article réservé aux abonnés
publié le 22 mai 2006 à 21h18

«J'ai vécu le placard pendant sept ans. Je me suis rendu compte trop tard que mon éviction avait été bien organisée. C'était pourtant d'une simplicité enfantine. J'avais alors 48 ans. J'étais en charge des projets multimédias de l'entreprise et de la formation. Dans le journal interne, il y avait toujours un papier sur moi. J'avais les félicitations de mon président. Mais j'étais aussi délégué syndical. Un jour, la DRH m'a convoqué pour me dire : «On vous présente nos excuses, mais plus jamais vous ne retrouverez un poste dans l'entreprise. Ce sera une sacrée galère parce que vous n'évoluerez plus.» Petit à petit, mon poste s'était orienté vers le multimédia, suite à une réorganisation des services. Je n'ai rien vu venir, pas même cet employé, de l'étage au-dessus, qui, avec son titre de chargé multimédia, devait occuper les mêmes fonctions que moi.

Je me suis senti piégé, humilié. Il y avait aussi ce sentiment de honte qui m'a rongé de ne pouvoir me défendre, de ne plus pouvoir réagir et de ne pas savoir comment l'expliquer. «Mais ne te plains pas, tu es payé à rien foutre» qu'ils me disaient. Je ne souhaite à personne d'entendre ce genre de choses, ce sont des mots qui tuent. Quand on ne l'a pas vécue, on ne peut pas savoir combien cette situation est destructrice. C'est l'officialisation de la stratégie du vide, à en devenir fou. C'est bien simple, quand j'arrivais le matin au bureau, j'avais le choix... entre le démineur ou le solitaire, les jeux que j'avais sur mon ordin