Nicolas Hatzfeld, historien, enseigne à l'université d'Evry (Essonne). Il est l'auteur de l'ouvrage les Gens d'usine. Peugeot-Sochaux, 50 ans d'histoire (1).
Etre ouvrier aujourd'hui, cela signifie-t-il quelque chose ?
Sans doute, mais la signification est différente selon les générations. Les quinquagénaires, ça leur colle à la peau. Ouvrier, ça évoque le rapport à la matière et à la machine. Mais ça éveille aussi un sentiment de perte, une dévalorisation. Jusque dans les années 60, la classe ouvrière, on aimait ou pas, mais on avait intérêt à la respecter. Elle existait dans les discours, et pas seulement ceux du Parti communiste. L'ouvrier faisait partie de l'avenir. Aujourd'hui, le message qu'on leur fait passer, c'est : «L'avenir peut se faire sans vous.» Il y avait les «professionnels», ceux qui avaient le «métier», et ceux qui étaient «au statut» : les gaziers, les cheminots... Ceux-là ont fait le mythe de l'ouvrier. Mais grâce à la croissance économique, même les non-qualifiés pouvaient progresser. Il fallait être un peu manchot, syndicaliste, femme ou immigré pour rester à sa place tout au long de sa carrière...
Et pour les jeunes ?
A l'usine, on est jeune de plus en plus tard. Qu'on ait 30 ou 35 ans, qu'on soit père de famille, on vous appelle le «gosse». Généralement, vous êtes intérimaire. Les jeunes ont une répulsion pour le mot ouvrier. J'ai rencontré de récents embauchés chez Peugeot. Ils étaient contents de l'emploi à PSA des salaires plus élevés, un emploi relativement protégé , mais le travail les ennuyait. La répulsion peut êt