Elle ne pense qu'à «ça». A son travail, bien sûr. Juriste d'entreprise, Fabienne, une fois rentrée chez elle, rumine ses dossiers. Elle se réveille parfois en pleine nuit, se lève le dimanche matin en croyant être lundi, se recouche sans pouvoir se rendormir. Elle allume France Info et sursaute à l'écoute de la rubrique «le droit et vous», stresse en fin de week-end, vers 20 heures, en pensant au lendemain... Fabienne, 32 ans, aime pourtant son travail, s'estime compétente et ne souffre d'aucun trouble psychique. Elle fait seulement partie de cette majorité de Français (1) qui pensent à leur travail après le travail.
Une situation anormale ? Oui, si cela tourne à l'obsession. Mais pour beaucoup, en particulier ceux qui turbinent du ciboulot, il n'est simplement pas facile de décrocher une fois fermée la porte du bureau. Car si la RTT réduit, de fait, le temps de présence dans l'entreprise, «la place du travail dans la vie psychique excède largement les limites du temps de travail contractualisé», estime Pascale Molinier, chercheuse au laboratoire de psychologie du travail et de l'action du Cnam (1). Y penser le soir, le week-end ou en vacances, en rêver la nuit ou en parler avec son conjoint font partie, selon elle, du «travailler». Outre le labeur proprement dit, cette notion comprend «cette part invisible du travail» incluant «les efforts, l'ingéniosité, les souffrances qui ne se voient pas». Une emprise psychique difficilement quantifiable, où le «penser» ne recoupe pas fo