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Interview

«Une souffrance difficile à évoquer»

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Chercheur en médecine et santé du travail à l'université Lyon I, Philippe Davezies analyse les liens entre difficultés professionnelles et vie de famille pour les salariés :
publié le 5 juin 2006 à 21h41
(mis à jour le 5 juin 2006 à 21h41)

Philippe Davezies, enseignant-chercheur en médecine et santé du travail à l'université Claude-Bernard Lyon I, se penche sur les interactions entre difficultés au travail et vie familiale.

Les salariés parlent-ils aisément de leur travail en famille ?

Tout dépend du rapport qu'ils entretiennent avec leur travail. Ceux qui sont heureux, épanouis, n'ont aucune difficulté à en parler avec leurs proches. Ils sont plutôt loquaces et s'avèrent être des informateurs souvent passionnants sur leur métier. A l'inverse, les salariés qui connaissent de profondes difficultés personnelles (harcèlement par exemple) n'abordent généralement pas le sujet. Quand le travail devient problématique, on fait silence, car il est difficile et douloureux de parler de ce qui fait mal.

Quelles sont les conséquences sur le cadre familial de ce mutisme ?

Le désarroi est un élément constant des tableaux cliniques. Les gens qui souffrent ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils ne parviennent pas à en parler à leur famille et même à leur médecin. Ils finissent par être insupportables pour les proches. Assez rapidement, les conjoints en ont assez et les relations familiales se dégradent. La souffrance pèse sur la famille alors que celle-ci n'offre aucune issue. Résultat, les crises au travail se doublent souvent de déchirements familiaux.

Pourquoi les ouvriers parlent-ils moins aisément de leurs problèmes de travail ?

Historiquement, la culture ouvrière portait e