Bruxelles correspondance
«Cette fois-ci, c'est différent», annonce Joël Castany avec un air sombre. Pourtant, l'homme, viticulteur dans le Languedoc, président d'une coopérative viticole et vice-président de la Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne (Cogeca) à Bruxelles, en a vu d'autres. Il a assisté aux réformes viticoles de ces quinze dernières années et aux manifestations, parfois violentes, qui leur ont chaque fois succédé. «Avant, les changements étaient plus cosmétiques, explique-t-il. Ils ne faisaient qu'effleurer deux des trois leviers du secteur : on bricolait le potentiel de production et le plantage, et on modifiait à la marge le système de régulation du marché par la distillation. Cette fois, on tourne une page. La Commission libéralise une tradition viticole multiséculaire, essentiellement française.»
Proie. Pour Joël Castany, pas de doute : c'est bien la France qui a fabriqué, au cours du XXe siècle, ce modèle viticole très pointu qui a organisé le «contrôle du potentiel de production» (le droit de planter les vignes), et qui a créé les appellations d'origine contrôlée (AOC). C'est aussi la France qui a inventé le système de distillation pour gérer les excédents. Une organisation qui sera ensuite reprise dans son ensemble par le Marché commun. «Tant que l'UE n'importait pas de vin, le système pouvait perdurer, explique Castany. Mais, avec la globalisation, le système, inadapté, est devenu la proie des nouveaux tenants du marché,