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«Une mine, ça ne s'arrêtait pas comme ça»

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Jean Gribet a 90 ans. Ajusteur dans des mines de la Nièvre en 1936, il a gagné un voyage à Lourdes, et a poussé jusqu'à la mer, à Biarritz.
publié le 3 juillet 2006 à 21h49

«On l'a appris par la radio. J'avais 20 ans et j'étais ajusteur aux ateliers d'entretien de la Houillère de la Machine, dans la Nièvre. J'étais entré à 15 ans, avec un certificat d'études, comme apprenti ajusteur. Il existait déjà des lois sociales dans les mines, et elles étaient respectées, faut dire ce qui est. Mais on travaillait 48 heures par semaine, et on n'avait pas de congé du tout. Et d'un seul coup, voilà le gouvernement du Front populaire. Je me souviens que madame Joliot-Curie était la première femme dans un gouvernement. La Chambre s'est réunie en mai - c'est pour ça qu'aujourd'hui encore, le calcul des congés payés part du mois de mai. Tous ceux qui avaient travaillé au moins un an avaient désormais droit à 12 jours de congés payés.

«Nous les ouvriers, on a applaudi. Qu'on soit de droite, de gauche, tout le monde était pour cette affaire-là. Mais ça a un peu surpris. Vous restez deux semaines à la maison et vous passerez tout de même à la paye à la fin du mois. C'est une chose qui n'est pas habituelle quand même. Fatalement, le patronat, ça ne l'arrangeait pas. Les houillères n'étaient pas trop productives, et l'Etat devait mettre la main à la poche. Toute l'organisation du pays s'est retrouvée d'un seul coup aux prises avec les congés payés. A la Machine, ça posait de sacrés problèmes : une mine, on ne l'arrête pas comme ça. Pensez, il y avait en permanence 50 ou 60 chevaux au fond, qu'il a fallu remonter. Les congés se sont finalement traînés sur trois semain