Kamenka envoyée spéciale
«Et voilà, le résultat de cinq ans de travail !» Au milieu d'un champ infini de betteraves, Jean Démazure brandit une superbe racine blanche, gorgée de sucre. A la ronde, on ne voit que des rangées de feuilles bien vertes, sous le ciel menaçant d'un été russe, et au milieu, ce paysan français plein d'espoir pour la récolte à venir. Pour approvisionner ses trois usines russes de sucre, le groupe français Sucden s'est lancé depuis quelques années dans l'aventure de l'agriculture en Russie et pourrait certainement en tirer matière à plusieurs romans. «Cela n'a pas toujours été facile», résume pudiquement Jean Démazure, chargé depuis 2001 de développer l'une de ces trois fermes. «En France, j'avais fait le tour de ce que je pouvais faire sur mon exploitation», raconte-t-il. A 50 ans, sur conseil d'un ami qui avait entendu parler de l'offre de Sucden, Jean Démazure a ainsi pris le chemin de la campagne russe, et partage depuis son temps entre sa ferme de l'Aisne et les anciens sovkhozes (les fermes d'Etat de l'époque soviétique) de Kamenka, quelque 600 kilomètres au sud-ouest de Moscou.
Tracteurs rouillés. «Au début, j'ai bien failli plusieurs fois rentrer chez moi en courant», avoue l'agriculteur, qui se souvient avoir vu des tractoristes russes partir labourer avec des charrues sans socs, ou semer... sans graines dans les semoirs. «Le sens de la qualité du travail s'était un peu perdu», euphémise Jean Démazure, qui reco